Au cœur de la tornade, restons sereins et faisons avancer le navire! 

En début de mois, j’ai été contacté par Jacques Gautrand, journaliste économique indépendant, fondateur du webzine « Consulendo » et sympathisant des Compagnons. Nous nous étions rencontrés lors des Assises de la FNPAE sur le Capital humain entrepreneurial en février dernier.

C’est dans cette période singulière sur fond de Covid 19, où une large partie de la planète est à l’arrêt que j’ai été interviewé par Jacques Gautrand.

Voici les 3 questions auxquelles il m’a proposé de répondre :

Vous qui avez vécu la vie monastique, quels conseils pouvez-vous donner aux « actifs » qui se trouvent contraints à une « réclusion » forcée à leur domicile ?

Bien sûr, nous avons à vivre les exigences proposées par le gouvernement et ce sont de nouveaux réflexes à acquérir. Nous avons à préserver et continuer à faire vivre les relations humaines.

La vie monastique nous apprend à vivre confinés dans un espace que l’on nomme la clôture. Vivre ce confinement n’est pas chose aisée. Nous en faisons l’expérience car cela génère des tensions au sein de la communauté. Il n’est pas rare de voir les frères monter très vite dans les tours. Les tensions prennent des proportions démesurées et nous transformons des taupinières en montagnes!

Le remède est de dépasser les blessures que l’on reçoit pour essayer de comprendre l’autre et reprendre ainsi le dialogue. Ce dialogue doit se faire à partir d’une communication non violente. Il s’agit de partir de son ressenti pour dire les choses simplement. Il est essentiel de ne pas être dans l’accusation de l’autre.

Malgré cela, il est cependant inévitable qu’il y ait des « clash ». Le pardon donné et reçu permet alors le mieux vivre ensemble. Sans cela la vie commune serait un enfer!

« Le confinement peut nous apprendre la gratuité de l’amour et la liberté intérieure »

Parmi les bienfaits de ce confinement, mentionnons l’apprentissage de l’amour gratuit. Il s’agit de passer d’un amour égoïste à un amour altruiste. En d’autres termes, j’aime l’autre non plus pour ce qu’il m’apporte, mais j’aime l’autre pour son bien.

C’est ainsi que pourrait se résumer l’engagement dans la vie monastique : on y rentre pour être heureux, on y reste pour rendre les autres heureux.

Privilégions les relations, apprenons à dialoguer de façon non violente, pardonnons les blessures que nous impose le vivre ensemble, soyons attentif à rendre les autres heureux et le confinement sera beau et bon.

Le fruit de ce chemin est bien la liberté intérieure. Et quoi qu’il arrive nous restons en paix. Même si tout tangue autour.

Dans la vie monastique, nous faisons aussi l’expérience qu’il est bon et doux pour des frères de vivre ensemble et d’être unis.

Saint Benoit, dans sa fameuse Règle, traite au chapitre 72 « Le bon zèle que doivent avoir les moines ».  Et voilà le conseil qu’il donne : « Ils s’honoreront mutuellement avec prévenance ; ils supporteront avec une très grande patience les infirmités d’autrui, tant physiques que morales ; ils s’obéiront à l’envie, nul ne rechercha ce qu’il juge utile pour soi, mais bien plutôt ce qui l’est pour autrui ; ils s’accorderont une chaste charité fraternelle… »

Voilà de quoi réussir son confinement !

Vous avez été aussi chef d’entreprise au sein de l’abbaye de Lérins, et vous connaissez bien les entrepreneurs auprès de qui vous donnez des conférences. De nombreux dirigeants de PME, des commerçants, des indépendants, ont été contraints d’arrêter (ou de réduire drastiquement) leur activité, cela signifie pour eux perte de chiffre d’affaires et donc de revenu… Que pouvez leur dire?

Oups ! Que dire d’une manière générale alors que l’accompagnement et le coaching s’adaptent aux diverses situations d’entreprise et bien sûr à la personnalité du dirigeant ?

Si vous me le permettez, je m’adresserai d’abord à ceux qui n’ont pas la foi en une transcendance ou en Dieu. Vous avez les manettes de l’avion et il vous appartient de garder le contrôler. Vous aurez la lumière, les intuitions, la force de prendre les moins mauvaises décisions. Des décisions qui in fine s’avéreront les bonnes.

Soyez à l’écoute dans les meilleures dispositions d’âme.

Je dis les moins mauvaises décisions car en temps de guerre il y a toujours des dommages. Et dans la période que nous vivons il y en a déjà.

Beaucoup de décisions coûtent en termes de choix et nous savons combien cela aura des conséquences sur la vie des personnes, sur la croissance et le Bien Commun.

Je dirai donc : « Faites le « sale » boulot avec humanité, en prenant soin des personnes : vos collaborateurs, vos clients, vos fournisseurs… » Nous voyons dans l’actualité de belles choses au beau milieu de ce drame ! Soyez en les acteurs!

Vous avez en vous une capacité d’imagination, d’adaptation pour choisir le meilleur. Même si ce meilleur est le moindre mal, loin de la perfection à laquelle nous tendons…

À ceux qui ont la foi, je conseille de lire mon ouvrage « En Quête de Sens ». J’y montre combien l’entreprise est un outil indispensable pour vivre les valeurs de l’Évangile. Dieu veille sur cet outil artisanal ou industriel : donc pas de panique !

Bien plus encore, Dieu veille sur chacun de ses enfants comme une bonne mère ou un bon père. Il veille sur eux 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7.

Dans ce manège fou, nous avons à garder la confiance en Lui. Nous avons à Le supplier pour qu’Il nous aide, nous console, nous éclaire pour prendre les moins mauvaises décisions. Qu’Il nous donne la force d’avancer en ayant à cœur, comme nous y invite le Christ, de prendre soin des plus fragiles d’entre nous.

« Dans nos entreprises, prenons soin des personnes, en particulier des plus fragiles »

Certes, la confiance inébranlable en la Bonté Divine qui nous accompagne n’est pas une assurance tout risque, mais au cœur de la tornade nous resterons sereins et serons capables de faire avancer le navire. Et si le navire devait couler que ce soit fait avec le moins de « casse » humaine possible…

Nous ne le voyons pas encore, dans l’obscurité de la tempête, le port d’attache, mais il n’est pas loin !

Je vous invite à relire le chapitre 31 de la Règle de Saint Benoît dans lequel il demande à son économe de prendre soin des personnes. C’est la première qualité qu’il attend de son gérant de l’économie. Il explique que l’économe doit prendre un soin tout particulier des personnes les plus vulnérables : les malades, les enfants, les hôtes, les pauvres et les anciens.

Dans les chapitres 36 et 37 de la Règle, Saint Benoît consacre un chapitre aux malades et un autre aux vieillards…

Dans nos entreprises, au sein de cette tourmente, ayons à cœur de prendre soin des personnes et en particulier des plus fragiles.

Le reste n’est que secondaire, même si ce reste est important.

Pour dépasser le contexte anxiogène actuel et nous projeter dans  l’avenir, parlez-nous de votre projet de restauration de l’ermitage de Notre-Dame de Nize dans l’Hérault…

Notre Dame de Nize est un petit ermitage situé entre Montpellier et Millau à quelques kilomètres d’Avène les Bains.La réputation de ce lieu est due à la Fontaine des Yeux. Les personnes viennent se laver les yeux à cette source et laisse en signe de leur passage leur mouchoir. Nous avons quelques témoignages de soulagement.

Notre Dame de Nize est un lieu de paix fréquenté pour la sérénité qui s’en dégage. C’est un lieu chrétien, mais nous y rencontrons la diversité qui compose la société française.

C’est en 2016, que je suis inspiré pour rénover ce lieu…

L’étude de faisabilité prévoit 800 000 € de travaux : un pari un peu fou au regard d’un tel montant. Mais l’entrepreneur que je suis ne se décourage pas devant le challenge !

À ce jour les travaux de la première tranche devaient commencer en juin pour un montant de 360 000 €. Les subventions et les dons des particuliers ont été généreux. Le budget est presque bouclé.

Mais pour l’instant tout est stoppé ! Avec l’incertitude que le dernier financeur institutionnel se désiste au profit de l’urgence sanitaire… Les entreprises sélectionnées tiendront-elles le coup face à la crise actuelle?Les touristes viendront-ils ? Eux qui nous aident à vivre par leurs dons, par l’achat des cuvées de vin Paix, Joie et Espérance. Le budget des Compagnons du Sens qui porte le projet de la rénovation de Nize va-t-il résister ?  Voici bien des questions toutes anxiogènes qui se posent à chacun de nous.

Malgré cela, nous espérons et continuons à travailler car cette situation aura bien une fin. Nous programmons nos concerts et visites guidées pour cet été.Nous continuons à communiquer sur le projet. Je suis en relation avec une journaliste de France 3 qui est intéressée par la réalisation d’un reportage. Lorsque nous communiquons sur le projet de Notre Dame de Nize les personnes affluent, les restaurateurs affichent complets, les gîtes et chambres d’hôtes sont loués et les viticulteurs écoulent leurs bouteilles! Modestement, l’économie se porte mieux : en 2019, 10 000 personnes sont venues à la chapelle et à la Fontaine des Yeux. D’ordinaire nous n’étions pas à plus de 3000 visiteurs…

Un patrimoine régional qu’il faut faire mieux connaître

Les Hauts Cantons de l’Hérault comptent quantité de beaux villages avec de magnifiques chapelles et des églises classées,  des villages fortifiés, des châteaux à découvrir dans une belle nature. Nous voulons avec d’autres fédérer nos énergies pour communiquer sur ces atouts patrimoniaux si riches. Le faire ensemble et présenter  lors d’un salon du tourisme à l’international le nord de l’Hérault, une zone oubliée des acteurs touristiques. Nos hommes politiques sont interpellés, les institutions départementales et régionales se mettent à l’écoute.

Tout en gérant la crise sanitaire actuelle et les dommages collatéraux, nous sommes déjà dans l’après pour continuer l’aventure : notre région a des atouts considérables en termes de tourisme vert, de tourisme patrimonial, d’œnotourisme, de tourisme culturel et aussi spirituel !