Voilà quelques années que l’on parle du scandale de la pédophilie dans l’Église. J’ai été fort dépité de ce constat déplorable là où l’on attend de l’exemplarité.
À l’époque, j’aurais voulu dire que dénoncer la pédophilie, c’était la dénoncer partout. Mais j’avoue que je me suis tu de peur que ma prise de parole soit entendue comme une excuse. De peur qu’elle ne fasse qu’exacerber les positions. De peur que ce cri d’alarme général ne soit en définitive contre-productif pour lutter contre ce fléau. Pourtant, nous voyons aujourd’hui, combien ces actes horribles touchent tous les milieux : cinéma, sport, littérature …
Je souhaite revenir un peu en arrière et mettre en avant deux points qui me paraissent importants :
· Il me semble que la société tout entière n’avait pas mesuré les dégâts de tels actes chez les victimes. Longtemps, nous avons baigné en partie dans la culture du « il est interdit d’interdire » et « jouir sans entrave », y compris dans ce domaine-là. L’affaire Matzneff en est aujourd’hui l’illustration. La promotion de certains journaux en faveur de la soi-disant libération sexuelle y a contribué. Cette culture diffuse a réussi à faire taire ceux qui voulaient la dénoncer.
· Bien que la conscience de la société tout entière face à ces crimes n’ait jamais été aussi aiguë qu’en ce moment, cette dernière a essayé d’y répondre à sa manière pour solutionner le problème :
– D’une manière générale, et dans tous les secteurs, on se taisait pour ne pas faire de vague sur un sujet tabou. Et peut-être, sans mesurer la gravité et la récidive possible. On « voulait donner une chance à la personne ».
– On déplaçait les sujets en espérant qu’il n’y ait pas de récidive. C’était ainsi dans la société civile, l’Education Nationale et l’Église. Il se peut aussi qu’ici ou là, il y ait eu des réseaux organisés, dont les membres se couvraient les uns les autres.
Mais je crois que si aujourd’hui nous avançons et réprimandons grandement, nous devons au vu de ce que nous avons dit plus haut, être moins sévère sur cette omerta et les déplacements de personnes. C’était certes insuffisant mais c’était la réponse que la société apportait pour solutionner le problème.
Soyons sévères quant aux faits criminels mais indulgents dans la manière dont la société tout entière a essayé de les régler : aujourd’hui et demain nous essaierons de faire mieux. Mais peut être que nous aussi, nous ne serons pas parfaits au regard des générations à venir…
Je suis heureux que ces scandales soient mis au grand jour et en premier lieu dans l’Église. Et sûrement qu’il se trouve encore des zones d’ombre dans divers pans de la société, notamment dans la famille avec l’inceste. Saura-t-on apporter des solutions préventives ? Tel sera le thème de mon prochain post.
Bonjour, merci pour le partage de votre réflexion. Je peux témoigner en tant que psychiatre d’adultes. J’ai quelquefois retrouvé, et souvent de manière fortuite, un passé d’abus chez des personnes dont les symptômes psychiatriques n’en faisaient d’ailleurs pas allusion. Le plus surprenant pour moi dans ma jeunesse, était de constater la tendance au déni des faits et d’une pathogènese possible de la folie suite à des agressions pedophiles. Avec le recul (35 ans de pratique), il me semble que la toxicité des séductions et violences sexuelles est d’autant plus explosive qu’elle est déniée ou même maintenue secrète. Car du point de vue de la victime, et suite à son expérience, la transgression de son intégrité ( physique comme psychique) est la loi implicite qui forge le lien social.
Qu’est ce qui nous relie et fonde nos liens ?
Là est toute la question.
Bien cordialement, Isabelle Delage