Jeudi 24 novembre dernier, j’ai coanimé une conférence sur le thème suivant : « Authentique, inspirant, humaniste ? … Quel leader pour redonner du sens à l’entreprise et à notre travail ? » (1). À cette occasion de nombreuses questions ont été posées : l’une d’entre elles a particulièrement retenu mon attention :
« Frère Marie Pâques, est-ce possible de vivre les valeurs de l’Evangile que vous prônez dans votre livre « En quête de sens » lorsqu’on travaille au sein d’une grande entreprise ou plus encore d’un grand groupe, n’est-ce pas utopique ? »
Bien sûr qu’il est possible d’insuffler des belles et bonnes pratiques quand on travaille dans ce type de structure.
Pour illustrer mon propos, je prendrai l’exemple de cette directrice générale qui m’a sollicité afin que je lui donne mon point de vue sur un problème auquel elle était confrontée. Pressée par son conseil d’administration et les actionnaires du groupe, elle avait pour mission, lors d’une opération de fusion/acquisition, de procéder au licenciement massif de deux unités de 2000 et 2500 salariés. Face à cette restructuration, elle savait que ses propres « valeurs humaines » seraient mises à mal. Partir ou rester ? Tel était le dilemme auquel elle se trouvait confrontée. Je lui ai conseillé de ne pas quitter le navire en période de tempête, mais au contraire, de rester et de faire face. Il me semblait important qu’elle suive ses propres convictions et qu’elle accomplisse sa mission dans le respect et la dignité de chaque personne. Malgré la difficulté de la tâche, elle a su défendre son projet auprès du conseil d’administration sans renier ses propres valeurs. Pour la petite histoire, elle est aujourd’hui, toujours directrice de ce même groupe.
Cet exemple illustre bien le fait qu’il est important d’être une femme ou un homme de conviction, de défendre ses idées et les valeurs qui sont siennes dans le seul but de respecter et d’œuvrer pour le bien commun et celui des personnes.
De mon point de vue, le grand groupe, quel qu’il soit, parce qu’il est grand et international, est tout de suite catalogué comme sans pitié : pression des actionnaires, surcharge de travail, déshumanisation de l’Homme… Autant de lieux communs, de maux qui, certes, existent parfois mais qu’il faut se garder de généraliser.
Car même si de de telles pratiques existent, nous ne devons pas baisser les bras au motif que ces grands groupes constitueraient des zones de non droit au sein desquelles il serait impossible d’améliorer les choses. Ce serait désespérer de l’Homme. Or, l’Homme est fait pour prendre en main son destin et œuvrer aussi pour le bien collectif.
Le grand groupe, à l’image d’un énorme rouleau compresseur, nous amène parfois à capituler et à partir. En effet, combien de cadres supérieurs sont sortis de ces « géants » pour monter leurs propres « boites » ou tout simplement pour faire autre chose au motif de rester fidèle à leurs valeurs. Ou mieux encore de vouloir les diffuser…
Mais nous avons le pouvoir de changer le monde : Gandhi, Martin Luther King, l’abbé Pierre …et tant d’autres avaient fait ce choix.
Alors au travail, chacun à sa place, apportons notre goutte d’eau pour éteindre le feu !
Frère Marie pâques
(1) Organisée par l’Institut Aristote – Paris
La taille de l’entreprise n’a pas beaucoup de rapport avec son éthique.
Dans une petite structure, il est sans doute plus difficile d’être déviant par rapport à la culture fruit de l’histoire et de l’éthique du patron alors que dans un grand groupe cohabitent plus tous les types de personnalités.
Au sein d’un grand groupe, je n’ai jamais eu de cas de conscience difficile. Par contre j’ai succédé à la tête d’une PME à un patron dont le moins que l’on puisse dire est que son style de management était peu recommandable. Par la suite, j’ai eu à piloter à la délocalisation d’une usine d’un autre grand groupe (en perte depuis 5 ans), mais je n’ai accepté la mission qu’avec l’assurance que « les choses se feraient proprement » : dans une circonscription dont le député était un ancien ministre d’un parti très à gauche tout a été mené à terme avec 2 jours de grève.
Etre exigeant n’empêche pas de rester humain. Stresser un collaborateur n’est pas le mettre dans des conditions lui permettant de donner le meilleurs de lui même.
l’histoire ne dit pas combien il y a eu de licenciements ni combien de gens se sont retrouvés au chômage. Pourriez vous le préciser ?
Une typologie des membres du personnel a été établie avec une proposition d’évolution pour chacune d’elle. Il y a eu reclassement dans d’autres usines du groupe, départs en retraite anticipés et aide à reconversion, mais aucun licenciement. Certains des ouvriers expérimentés ont même aidés à la mise en route de la nouvelle usine. Il y a toutes sortes de responsables …